vendredi 29 juillet 2016

Jours sans faim

Auteur : Delphine de Vigan
Edition : J'ai lu
Parution : 7 janvier 2009
Genre : Contemporain

Résumé : Laure a 19 ans, elle est anorexique... Jours après jours, elle raconte, analyse, décrit... Trois mois d'examen de soi, d'une vie comme dans un aquarium, un livre sincère, sans rancune, sans apitoiement, juste la précision des mots et la vivacité de l'analyse.

"Faut bien du courage pour arrêter de manger, dit un soir une dame en robe de chambre matelassée.
Laure ne tente pas d'expliquer. Elle dit non madame, ça n'a rien à voir."

   Il y a tellement de choses à dire sur ce petit roman. 125 pages, c'est tout petit, mais c'est suffisant pour remettre en question tout notre petit monde.
   Car oui, je l'avoue, comme beaucoup de monde avant moi, j'ai regardé des documentaires morbides sur les jeunes filles qui ont des problèmes de poids, que ce soit d'anorexie ou d'autres choses d'ailleurs, des documentaires qui souvent blâmaient ces malades parce que, quand même "il faudrait arrêter ces enfantillages et la crise d'adolescence, et ça suffit ces bêtises". Bien sûr, en grandissant on mûrit, et je commence à m'intéresser à ce sujet. Quand j'ai vu que Jours sans faim avait été écrit par Delphine de Vigan, une auteure que j'adore, je me suis jetée dessus.

   Dans ce roman, on suit Laure, une jeune fille de 19 ans et anorexique. Au début de ce roman, elle se fait interner dans un hôpital car son état est bien trop critique pour la laisser continuer à se faire du mal. Nous la suivons alors partout : quand elle mange, se fait soigner, échange avec les patients, on la voit s'inquiéter de plus en plus de voir son corps se regonfler, reprendre des formes peu à peu. 
   Il y a un paradoxe qui se dégage de ce roman : le lecteur, ainsi que le personnage, ont un sentiment à la fois de vide et de remplissage : tout au long du roman les notions de nourriture, kilos, calories, gras, graisse, etc, sont omniprésentes, c'est quelque chose qui obsède le personnage de Laure : elle est terrifiée de voir son corps reprendre du gras, le centre hospitalier dans lequel Laure est internée est spécialisé dans les maladies liées au poids, comme l'obésité morbide ou l'anorexie. Elle est notamment fascinée par un monsieur obèse et une dame qui a pris beaucoup de poids car elle boit beaucoup trop d'eau (12 litres par jour).
  On ressent un sentiment de vide également car Laure se sent très seule dans sa maladie : incomprise par les autres, certains ne voient là qu'une façon de plus qu'on trouvé les ados pour qu'on porte leur attention sur eux au lieu de l'accorder aux "honnêtes gens", où alors ne considèrent pas l'anorexie comme une maladie. Le personnage de "la bleue", c'est une vieille dame en robe de chambre bleue, incarne bien le genre des personnes qui blâment ces malades d'anorexie ou d'obésité, qui n'ont pas d'empathie à leur égard : "Combien ? Vous les mangez tous ? Ah, ça, on ne dirait pas. Ça coûte très cher, aux hôpitaux, les gens comme vous.". Je ne cite jamais les livres que je chronique, mais exceptionnellement, je le fais ici. Pourquoi ? Parce que, à chaque fois que La Bleue se manifeste, c'est pour tenir des propos insultant envers les "gens comme Laure". Ce sont des propos que, j'en suis, sûre, chaque anorexique, et je pousserais peut-être jusqu'à dire "chaque adolescente", a entendu au moins une fois dans sa vie. Elle subit ce que l'on appelle du body shaming, c'est-à-dire quand des personnes viennent te faire remarquer que "tu devrais avoir honte parce que ton corps n'est pas normal", ici "Parce que tu refuses d'être normale, hein, par ta faute, tu coûtes cher aux hôpitaux pour qu'ils puissent soigner les fruits de ton inconscience" ou quelque chose dans ce goût-là . Et j'ai été touchée par les propos de La Bleue même si je ne suis pas anorexique, parce que je suis touchée par ce body shaming très souvent. Toi aussi, j'en suis sûre, toi qui me lit, et certainement d'autres personnes autour de nous. La Bleue est là pour dénoncer ce genre de personnes, et pour dire que "et si on arrêtait de se faire du mal les uns aux autres et qu'à la place, on s'entraidait, et on s'encourageait ?" Vous ne trouvez pas que le monde serait mieux ainsi ? 
   
   Jours sans faim est un roman plein d'espoir, mais aussi d'incertitudes. En effet, tout au long du roman, Laure ne cesse de progresser, elle mange tout ce que lui donne les médecins, joue le jeu de la pompe qu'on lui met dans le corps pour faire passer plus de nutriments en elle, elle ne triche jamais, bien que cela la terrifie de voir son corps redevenir viable, de reprendre des couleurs, de sentir son corps revenir à la vie. On comprends au fur et à mesure que l'on avance pourquoi Laure est aussi terrifiée, quelles sont ses motivations à se raccrocher à sa maladie par moment. Mais on ressent des incertitudes, des fêlures chez elles, le lecteur se demande si elle va craquer, quand, comment. Jusqu'à la dernière page, on se demande si Laure peut tenir le coup dans le monde extérieur, après trois mois d'internement et de surveillance d'elle-même, tellement sa situation ne tient qu'à un fil, tellement elle-même pourrait se briser de nouveau.

   Je m'arrête ici pour ne pas vous gâcher le plaisir de lire ce roman, mais si vous êtes intéressés par ce genre de sujet, mais sans vraiment se prendre la tête pour commencer, je vous conseille de lire Jours sans faim : d'abord, pour la taille du roman, il est véritablement minuscule, ensuite, parce que c'est Delphine de Vigan et que sa plume est divine. Et enfin, parce que le sujet est dur, mais est abordé ici avec une certaine douceur, qui peut aider ceux qui ne sont pas intéressés de base à ce sujet là, à entrer dedans. C'est le sujet de l'anorexie, mais vu sous le jour de la guérison, de l'espoir.

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