jeudi 6 octobre 2016

Le Passeur

Auteur : Lois Lowry
Edition : Ecole des Loisirs
Parution originale : 1993
Genre : Utopie

   Résumé : Le monde dans lequel vit Jonas est bien éloigné du nôtre : une société où la notion d'individu n'existe pas. Plus surprenant encore : ses membres ne ressentent rien. Ni amour ni haine viennent bousculer leur quotidien. Les gens ne meurent pas non plus. Ils sont "élargis". Tout comme le héros de cette histoire – un garçon de douze ans – le jeune lecteur brûlera de savoir ce qui se cache derrière ce terme si obscur.

"Si tout est pareil, on n'a plus le choix. Je veux pouvoir me lever le matin et faire des choix. Une tunique bleue ou une tunique rouge ?"

   Le Passeur, c'est un de ces romans qui font partie de la catégorie des livres que j'ai honte de ne pas avoir lu. C'est pourtant un classique d'un genre que j'aime beaucoup mais qui peine à se renouveler depuis quelques années : les utopies et dystopies. Mais bon, j'ai une excuse, aussi futile soit-elle : les couvertures des livres de chez Ecole des Loisirs ne sont vraiment pas attrayantes. Cependant, la nouvelle couverture imaginée à l'occasion de la sortie du film adapté de ce roman, The Giver, ainsi que le visionnage du film, m'ont donné envie de me lancer dans la lecture du livre, ce que je ne regrette pas.
   Je ne qualifierais pas ce roman de dystopie, mais plutôt d'utopie. Le fait que l'utopie soit le genre où un auteur va décrire un monde idéal dans lequel se déroule une histoire n'est qu'une partie de sa définition : l'auteur va, au fur et à mesure que se déroule l'intrigue, montrer que ce monde idéal cache sous une peinture brillante et attirante des murs lézardés de fissures et de moisissures, amenant le lecteur à la conclusion que ce monde n'est pas idéal ni parfait. C'est le cas de Candide notamment, dans lequel le personnage principal vit dans sa petite bulle idéalisée jusqu'au jour où il se retrouve confronté aux horreurs du monde dans lequel il vit. C'est pour cela que utopie et dystopie sont deux genres intrinsèquement liés et pas si différents. 

   Nous retrouvons Jonas, jeune garçon de onze ans, bientôt douze au début du roman, qui va bientôt entrer dans la vie active au sein de sa communauté. Celle-ci est fondée sur le concept de l'ataraxie, une idéologie philosophique qui consiste à organiser sa vie de façon à ce que la douleur, physique ou morale, en soit absente. Tout ce qui, dans le comportement humain, peut causer une douleur à soi-même ou aux autres, est donc interdit par la loi : on ne peut pas être impoli, mentir, être amoureux, toucher quelqu'un, etc. La pauvreté, la guerre, la religion, le chômage, la surpopulation, le divorce, la désobéissance, la révolte, tout ceci n'existe pas dans le monde de Jonas. Les nouveaux-nés considérés comme inapte et les personnes âgées qui ne sont plus actives sont élargies. C'est un monde pragmatique et très étrange, dans lequel les interactions entre autres être humains sont devenues mécaniques, presque robotisées. Chaque individu possède les mêmes éléments matériels que les autres, et ils ne perçoivent même plus les couleurs, de façon à ce que la jalousie ne puisse pas exister. C'est un monde dans lequel chacun est identique.
 Jonas est assez différent de ses camarades, car il a la capacité, comme certaines autres personnes avant lui, de voir "au-delà" de l'Identique. C'est pourquoi la communauté lui attribue non pas un métier, mais le statut honorifique de Dépositaire de la Mémoire. Il va devoir recevoir les souvenirs de l'ancien monde, celui dans lequel nous vivons actuellement, par l'ancien Dépositaire, devenu le Passeur, afin d'acquérir la sagesse ainsi que la douleur engrangée par l'amoncellement de tous ces souvenirs pas toujours agréables. Car, parmi les souvenirs que Jonas voudrait partager avec le monde, tels la chaleur du soleil sur la peau ou la couleur rouge, d'autres, plus sombres, des périodes les plus noires de notre humanité vont venir assombrir le tableau : le massacre des animaux, les guerres, la mort. Il va découvrir que l'humanité est capable du meilleur comme du pire.

   Plusieurs questions se posent alors : peut-on avoir confiance en l'être humain ? Est-ce une bonne idée de conserver ces souvenirs dans une personne, ou ont-ils le devoir de les partager avec le reste du monde, même si celui-ci n'en veut pas ? Comment savoir, si la totalité d'entre eux n'a plus de souvenirs du passé, sauf un, si l'être humain peut apprendre de ses erreurs et acquérir de la sagesse, en prenant connaissance des horreurs commises par leurs ancêtres ? Comment savoir s'ils vont dans la bonne direction, en ayant supprimé même les bonnes choses chez l'être humain ? Après tout, le bien ne peut exister sans le mal, et inévitablement, réapprendre l'amour, la compassion, peut faire naître la jalousie et la haine. Mais est-ce aussi bien de ne pas laisser le choix aux gens ? Ils ne choisissent pas leur conjoint, ne choisissent pas leur enfant puisqu'on le leur attribue, ne choisissent pas leur métier, tout ceci est minutieusement ordonné par ce qui est appelé le Comité des Sages. La vie de tous ces gens est réglée comme du papier à musique. Elle paraît bien fade et terne à côté de l'aventure de Jonas, et pourtant ils s'en accommodent parce qu'ils ne connaissent rien d'autre. Ils croient connaître la joie, la tristesse, la colère, mais ce ne sont que des illusions, car ils n'ont pas les souvenirs. Ce sont des ersatz de sentiments, car ils n'ont pas les vrais éléments pour les ressentir.
   Ce roman pose également la question de "l'élargissement", le terme inventé par l'auteur pour désigner un concept qui fait toujours débat même dans notre société, et que vous découvrirez en lisant ce livre, bien que vous puissiez déjà vous douter de ce dont il s'agit.
   Vous l'aurez compris, ce roman est un véritable coup de cœur pour moi, c'est bien simple, je l'ai dévoré en un jour et demi. Certes la fin arrive un peu trop vite à mon goût, ça aurait probablement mérité de s'étirer sur deux tomes. C'est un roman à mettre entre les mains de nos enfants pour leur donner des pistes de réflexions sur notre société, notre monde, nos concepts, nos idées, et même dans les mains des plus grands, qui pourraient trouver leur bonheur également dans ce livre. Quoique pas aux plus jeunes lecteurs, tout de même, car il comporte des sujets parfois assez durs, mais qui font encore réfléchir même après avoir tourné la dernière page de ce livre.

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