jeudi 28 décembre 2017

Bonjour tristesse

Auteure : Françoise Sagan
Edition : Pocket (Julliard)
Parution originale : 15 mars 1954
Genre : Tranche de vie, Drame
Origine : France
Nombre de pages : 153
   Résumé : Cécile a 17 ans et vient de rater son bac. Avec son père, quarantenaire qui enchaîne les relations, et Elsa, la nouvelle conquête de son père, elle coule des jours heureux en vacances au bord de la mer. Mais l'arrivée d'Anne dans leur vie va venir chambouler ces vacances que Cécile voulait pleines de joie et d'insouciance.



   
   J'ai fait la rencontre de Bonjour tristesse totalement par hasard en fouillant sur une table de brocante il y a cinq ans. Ce très court roman, que je savais être un grand chef d’œuvre, j'ai mis du temps à le lire car j'avais peur d'en être déçue. Ce ne fut absolument pas le cas.

   Bonjour tristesse raconte l'histoire d'un été. Un été au bord de la Méditerranée qui fut le témoin d'une histoire ordinaire, et pourtant d'une importance capitale dans la vie du personnage principal, car il va chambouler sa vie à jamais. Cécile a dix-sept ans, et elle vient de rater son bac. Son père, veuf depuis un certain nombre d'années et qui enchaîne les relations, décide de louer une villa à la mer avec sa fille et Elsa, sa nouvelle conquête. Le père et la fille entretiennent une relation fusionnelle, fondée sur l'aventure et l'insouciance, et le désir d'être heureux. Un jour, le père annonce aux filles qu'il a invité Anne, une ancienne amie de la mère de Cécile, à passer quelques jours à la villa. Aussitôt, l'atmosphère change : Anne est une femme froide, indifférente, pour qui Cécile entretient des sentiments très paradoxaux : elle l'admire, mais elle la craint également. Cécile, avec l'arrivée d'Anne, sent la fin de l'été approcher, et avec lui, sa vie heureuse avec son père.

   Ce premier roman de Françoise Sagan est un roman à propos de la complexité de l'adolescence, de l'inconscience cruelle de cet âge toujours posé sur le fil du rasoir, de l'insouciance lourde de conséquences d'un âge parfois terrible à porter. Cécile est à cet âge où elle a envie de prendre des décisions d'adulte, mais où la légèreté de la jeunesse la gouverne toujours. Elle est à un âge où elle veut évoluer, mais le changement lui fait peur.
   L'arrivée d'Anne dans la vie de Cécile et son père va tout changer à cet été. Elle est leur exact opposé : elle est la glace, alors qu'ils sont le feu. Cécile a peur que son père se lie à Anne, peur que leur vie à eux deux change. Elle ne peut pas inclure Anne dans leur futur.

   A la lecture de ce roman, on sent un sentiment de malaise qui nous tenaille les entrailles, comme si une sorte de nuage noir planait au-dessus de cette villa. L'intrigue se fonde sur des non dits et sur la passivité des personnages, surtout la passivité du père face à la bataille qui fait rage entre Anne et Cécile. On finit même par oublier que tout est de la faute du père, tant il se fond dans l'arrière plan, et j'avoue avoir eu honte à ma première lecture d'avoir seulement jugé les filles sans même morigéner le père dans mes propos.
Ce qui est très perturbant avec Bonjour tristesse, c'est que notre vision des personnages évolue au fur et à mesure que l'on avance dans le roman. C'est petit à petit que l'on commence à comprendre comment les rouages s'imbriquent, et on finit par "changer de camp" : alors qu'Anne nous paraît un personnage abject au départ, alors qu'on la voit avec nos yeux d'adolescents, puisqu'à travers le prisme de la perception de Cécile, nous finissons par la prendre en pitié et nous voyons Cécile et le père avec des yeux nouveaux.

   Je ne peux pas parler de ce roman sans parler de l'écriture de Françoise Sagan. L'auteure était à peine majeure quand elle a écrit Bonjour tristesse, et on ne peut pas ne pas remarquer à quel point son écriture est magnifique. Celle-ci arrive à retranscrire les langueurs et le rythme lent d'un été passé à lézarder au soleil, mais également la vivacité d'un âge où le poids des responsabilités ne repose pas encore sur nos épaules, et de celui où l'on refuse les responsabilités ; la fille et le père, ensemble. C'est une écriture juste à propos de la complexité de deux âges qui refusent de voir les noirceurs de la vie.

   Pour conclure, je dirais que Bonjour tristesse est un roman qui m'a transportée. Je l'ai lu avec mes yeux d'adolescente, mais également d'adulte, et je suis toujours subjuguée par la splendeur et la justesse de ce roman. Cécile est un personnage complexe, avec une vivacité d'esprit mais aussi un manque de lucidité manifeste et un manque de réflexion quant aux conséquences de ses actes. En un peu plus d'une centaine de pages, Françoise Sagan écrit un drame, un morceau de vie qui va chambouler un père et sa fille, et va leur porter un sentiment nouveau qu'ils accueillent en eux : la tristesse. 

lundi 25 décembre 2017

The Book of Dust, tome 1 : La Belle Sauvage

Auteur : Philip Pullman
Edition : David Fickling Books
Parution originale : 19 octobre 2017
Genre : Jeunesse, Aventure
Origine : Royaume-Uni
Nombre de pages : 560
   Résumé : Malcolm est un jeune garçon de 11 ans qui travaille à l'auberge de ses parents, La Truite. Il a une passion pour son canoë, qu'il a nommé La Belle Sauvage, et il l'utilise pour faire des balades et aller aider les religieuses du prieuré en face de l'auberge, qui abrite en son sein un bébé de six mois répondant au nom de Lyra. Malcolm va apprendre qu'une prophétie entoure ce bébé, et qu'elle est en danger. Avec l'aide d'Alice, une jeune fille qui travaille à La Truite, Malcolm va partir dans un périple haletant, à bord de La Belle Sauvage, afin de retrouver le père de Lyra, et la mettre à l'abri...
   Une émotion singulière m'envahit à l'heure où j'écris ces mots. La Belle Sauvage est une lecture particulière pour moi, parce que je l'attends depuis littéralement treize ans. En effet, j'étais encore une enfant quand j'ai lu pour la première fois la merveilleuse trilogie A la Croisée des Mondes de Philip Pullman, trilogie qui est encore à ce jour mon plus gros coup de cœur jeunesse. La fin de cette histoire nous promettait une suite des plus grandioses, que j'attendais telle l'Arlésienne pendant tout ce temps. Et aujourd'hui, la nouvelle trilogie de Philip Pullman, se déroulant dans le même univers et avec les mêmes personnages longtemps chéris, nous délivre enfin son premier tome, que je me suis empressée de lire dès sa sortie en version originale, parce que je suis une personne très calme et posée dans ma vie (c'est faux).

   La Belle Sauvage nous raconte une histoire qui se déroule dix ans avant les évènements du premier tome d'A la Croisée des Mondes. On y rencontre le personnage de Malcolm Polstead, un jeune garçon de onze ans qui travaille après les cours à l'auberge de ses parents, qui s'appelle La Truite. Malcolm est un garçon curieux qui aime discuter avec les nombreux clients qui viennent séjourner à La Truite, et un jour, il apprend que le prieuré où il va régulièrement aider les nonnes abrite un bébé de six mois, répondant au nom de Lyra. Malcolm se prend aussitôt d'affection pour le bébé, et, quand il apprend qu'on la cache parce qu'elle est en danger, il fait tout ce qui lui est possible de faire pour la protéger. A l'aide de son canoë, qu'il a nommé La Belle Sauvage, et accompagné d'Alice, une jeune fille qui travaille à La Truite, il va partir demander le droit d'asile à l'université Jordan College pour la petite Lyra.
   Pour les lecteurs d'A la Croisée des Mondes, vous l'aurez compris : La Belle Sauvage lève le voile du mystère sur l'arrivée de Lyra à Jordan College, le lieu où nous la découvrons pour la première fois dix ans plus tard alors qu'elle s'infiltre dans le Salon de Jordan, et où elle entendra parler pour la première fois de la Poussière.

   Je ne vais pas vous mentir, mon avis sur ce roman transpire la subjectivité. J'aime tellement cet univers, je trouve que l'histoire et les personnages de Philip Pullman sont si bien construits, que je ne pouvais que me plonger dans La Belle Sauvage avec ravissement, et j'ai adoré ce premier tome. Cependant, après une relecture en version française, mon avis s'est fait plus nuancé, surtout sur la fin du roman : il y avait un côté "Odyssée" qui n'était pas déplaisant dans la deuxième partie du roman, cependant, à certains moments où le récit se faisait très onirique, j'ai senti que l'histoire était peut-être un peu bancale et se dispersait quelque peu. Néanmoins, ce fut un délice de retrouver certains des personnages que j'ai le plus aimé dans la première trilogie : Farder Coram, pour commencer, qu'on retrouve sous un autre nom dans ce tome ; Lord Asriel, que nous découvrons sous un jour plus doux. Lyra est déjà un bébé espiègle et on sent déjà tout son potentiel et toute son intelligence.
   En ce qui concerne le trio de tête des nouveaux personnages, c'est-à-dire Malcolm, Alice et Hannah, on retrouve une similitude, voulue, je le pense, car construite en miroir, avec le trio Lyra, Will et Mary Malone, qui se formera dix ans plus tard. J'ai en tous cas beaucoup aimé la relation entre Malcolm et Hannah, ainsi que celle, plus laborieuse, entre Malcolm et Alice, comme celle de Lyra et Will le fut à ses débuts également. On sent dans l'écriture de Pullman comment une relation de confiance se bâtit entre Malcolm et Alice au fur et à mesure qu'on avance dans l'histoire. Pullman est extrêmement habile pour écrire les relations entre les enfants, et justement, dans ce tome-ci, cette écriture sonne d'autant plus juste.
   Pullman est également très ingénieux pour aborder le sujet de la religion. Dans A la Croisée des Mondes, Pullman écrit une réponse au poème The Lost Paradise d'un de ses poètes préférés, John Milton. Il y manie la critique de la religion avec subtilité (mais pas assez cependant pour les Etats-Unis qui ont censuré le roman), alors que je trouve que dans La Belle Sauvage, il l'attaque en frontal. La critique y est bien moins ténue, surtout que ce n'est pas le sujet traité à proprement parler dans ce tome. La Belle Sauvage raconte une histoire dans l'Histoire : pendant que les Erudits se crêpent le chignon à propos de la Poussière et de la religion, Malcolm et Alice, unis par leur amour pour Lyra, naviguent au milieu de ces instances qui se déchirent pour emmener le bébé à bon port.

   On y apprend également certaines choses incroyables à propos des daemons, notamment à travers le personnage si paradoxal de Gérard Bonneville, un personnage avenant au premier abord, mais dont le daemon, une hyène mutilée, représente la vilenie de l'homme. Des questions autour des daemons se posent alors : comment un homme peut-il mutiler son daemon ? A travers le daemon de Lyra, Pantalaimon, se posent d'autres questions à ce propos : comment, alors que Lyra n'a jamais vu tel animal de sa vie, Pantalaimon peut-il se transformer en ledit animal ? Les daemons peuvent-ils tous changer de forme pendant le sommeil des enfants, ou est-ce le signe d'une grande intelligence et imagination ? Est-ce vraiment interdit de toucher le daemon des autres, ou est-ce une simple construction sociale et tacite ?

   Je pourrais disserter pendant des heures sur ce roman, tant il y a de choses à dire. J'ai eu peur au moment de ma lecture d'avoir tellement cristallisé ce moment où je tiendrais enfin La Belle Sauvage entre mes mains, que je serais déçue du livre, mais ça n'a pas été le cas. J'ai été enchantée du début à la fin, et j'attends le tome 2 avec une impatience folle. Je ne peux que vous conseiller de lire La Belle Sauvage, ainsi que A la Croisée des Mondes, c'est un univers incroyablement riche qui possède un nombre incalculable de niveaux de lectures. On peut lire cette histoire enfant, comme adulte. Je redécouvre l'univers à chaque fois que je le relis, et je l'ai relu un bon paquet de fois. Je suis extrêmement émue de vous parler enfin de La Belle Sauvage, et de me replonger dans ce si bel univers une nouvelle fois, pour encore deux nouveaux tomes.

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lundi 4 décembre 2017

Les petites reines

Autrice : Clémentine Beauvais
Edition : Sarbacane
Parution originale : 2015
Genre : Jeunesse, Aventure
Origine : France
Nombre de pages : 270
   Résumé : Mireille Laplanche est abasourdie : pour la première fois depuis trois ans que le concours a été mis en place, elle est élue Boudin de bronze. Et pas Boudin d'or ! C'est une certaine Astrid Blomvall qui lui a volé le titre, ainsi qu'une cinquième, Hakima Idriss, la deuxième place. Les trois filles ainsi élues se rencontrent, et se rendent compte qu'elles ont un point commun : le 14 juillet. L’Élysée. La Fête Nationale. Les trois jeunes filles décident de rallier Paris depuis Bourg-en-Bresse à vélos, tout en vendant... des boudins !

   C'est avec une émotion particulière que je vous présente aujourd'hui Les petites reines de Clémentine Beauvais. Je l'ai lu après les (nombreuses) recommandations d'une de mes amies, et je dois bien reconnaître que j'ai très bien fait.

   On rencontre avec ce roman un personnage très atypique : Mireille Laplanche, une jeune adolescente au physique ingrat mais au cœur d'une beauté rare. Mireille est très surprise : elle n'a pas remporté le concours des Boudins, elle, la tenante du titre depuis deux ans ! Alors aussitôt, elle veut découvrir l'identité de ses usurpatrices : Astrid Blomvall et Hakima Idriss. Celles-ci sont inconsolables, alors que Mireille décide de les prendre sous son aile. C'est alors qu'elles se rendent compte qu'elles ont un point commun : L'Elysée, le 14 juillet, lors de la Fête Nationale. Elles décident alors de commencer un périple à vélos jusqu'à Paris, bien évidemment médiatisé, et financé par une vente de boudins sur les routes de France.

   Ce roman a agit sur moi comme une thérapie. Comme Mireille, à un stade beaucoup moins avancé et grave quand même, j'ai subi le harcèlement à l'école. Parce que, voyez-vous, je cumulais beaucoup de défauts : je portais des bagues, des lunettes, et en plus, j'étais intello. Alors, c'est vrai que c'était de bonnes raisons d'être persécutée par les autres (spoiler : non.). Mais moi, j'avais pas la même force d'esprit que Mireille à l'époque, et voir un personnage aussi solaire à qui il est arrivé les mêmes soucis que moi au collège (de type, liste des filles de la classe, en partant de la plus belle jusqu'à la moins belle) (bizarrement, la même liste n'existait pas pour les garçons) m'a fait un bien fou. J'avais envie d'aller voir la Gaëlle de 14/15 ans, lui donner toutes les punchlines de Mireille entre les mains, et de lui dire "vas-y, sers-toi de ces armes". Mireille n'est peut-être pas belle physiquement, mais c'est un personnage au cœur pur et plus beau que le plus brillant des joyaux.

   On ne rencontre pas uniquement le personnage de Mireille dans ce livre. Astrid et Hakima, ses deux amies, se révèlent et se découvrent au fur et à mesure du roman. Astrid la jeune fille déboussolée des premières pages laisse place à une jeune fille sûre d'elle, aux instincts maternels très développés. On découvre une relation presque mère-fille entre elle et Hakima, qui elle, découvre le petit bout de femme qu'elle est en train de devenir. Hakima apprend à avoir confiance en elle, à devenir sûre d'elle. Le voyage que les filles ont entrepris les a non seulement quelque peu libérées des diktats de la beauté (même si elles se découvrent encore des faiblesses et des fêlures, ce qui est normal), mais elles ont également découvert qui elles étaient vraiment.

   Les petites reines aborde beaucoup de sujets importants et d'actualité. Le harcèlement, surtout à l'école, est le sujet fondamental du roman, mais celui-ci dérive vers d'autres sujets qui touchent notamment au féminisme, sujets auxquels je suis particulièrement sensible : le changement des corps à la puberté, les diktats et injonctions à la beauté, à travers les personnages des trois filles, mais aussi à travers Kader Idriss, a.k.a le Soleil. Clémentine Beauvais cite Olympe de Gouges ainsi que Madmoizelle dans son roman, notamment, des influenceur.se.s du féminisme, des fenêtres sur ce combat pour l'égalité homme-femme. Et Clémentine Beauvais aborde ces sujets sur un fond de légèreté et d'humour, et une fraîcheur remarquable.

   Les petites reines est un roman à mettre entre les mains de chaque adolescent que vous rencontrez, mais pas seulement. C'est un roman qui peut faire du bien à l'adulte que vous êtes devenus, car il permet de faire une sorte de thérapie rétrospective, et de faire la paix avec son Moi adolescent. Je l'ai notamment prêté à ma mère dès la fin de ma lecture, car je me suis dit que ce roman lui ferait également beaucoup de bien. Ce roman m'a fait le même effet que My Mad Fat Diary, une série que je recommande vivement de regarder à tout le monde, et j'ai même lâché une larme à la fin du livre. Les petites reines est un livre d'une magie et d'une majesté incroyable, et je suis ravie et émue d'avoir croisé sa route.
   Mais attention : le long de la piste cyclable !


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