vendredi 16 juin 2017

The Handmaid's Tale : série dystopique glaçante sur les droits des femmes | Chronique série

Titre original : The Handmaid's Tale
Créée par : Bruce Miller
Origine : Etats-Unis
Genre : Adaptation, Dystopie
Première diffusion : 26 avril 2017
Sur : Hulu
Vue en : VOSTFR
S'étend sur : 1 saison, 10 épisodes
Statut : En production
Avec : Elisabeth Moss, Samira Wiley, Alexis Bleden, Joseph Fiennes, Yvonne Strahovski, Max Minghella...
   Pitch : Dans la nouvelle République de Gilead, après une catastrophe biologique, le taux de natalité est au plus bas. Les relations homme/femme observent à présent des règles strictes. Les hommes occupent toutes les places de pouvoir, tandis que les femmes sont démises de leur statut de citoyenne à part entière. Elles sont catégorisées selon leur fonction : les Epouses, femmes de dirigeants ; les Marthas, qui s'occupent de la maison, et les Servantes, uniquement affectées à la reproduction. Ces dernières sont affectées au sein des familles afin d'y mettre au monde les enfants tant désirés. June est une Servante.
     Imaginez un monde dans lequel avoir un enfant est littéralement un miracle de la vie. Pas comme aujourd'hui, où il est relativement facile d'avoir un enfant, un véritable miracle. Imaginez maintenant un monde où toute la société est organisée autour de la procréation et la naissance des enfants. Un monde dans lequel il n'existe plus aucun droit des femmes, où la société vit en suivant religieusement la Bible, et où la vie d'un fœtus a bien plus d'importance que celle d'une femme. C'est le monde que dépeint la série The Handmaid's Tale, inspirée du roman éponyme écrit par Margaret Atwood.



   Nous suivons principalement le personnage de June. June est une Servante, c'est-à-dire qu'elle occupe la fonction reproductrice dans ce monde. Elle est, sans mâcher nos mots, une esclave sexuelle. Dans son ancienne vie, elle était une femme pleine de vie, mariée, heureuse mère d'une petite fille. Sa vie est aujourd'hui vouée à donner un enfant à la famille Waterford, puisqu'elle abrite en elle une capacité miraculeuse dans ce monde : celle d'être fertile. Nous sommes ainsi, à travers ce personnage, le plus à même de découvrir la vérité affreuse : les femmes ont perdu tous leurs droits, et surtout, celui de disposer de leur propre corps. Elles sont uniquement vouées à servir les leaders mâles d'une société dictatoriale.

Obscurantisme, purges et misogynie 


   Parlons un peu de cette nouvelle société de Gilead, anciennement les Etats-Unis d'Amérique. 
   Comme il est typique chez les humains de penser ainsi, plutôt que d'admettre qu'ils sont les principaux acteurs de la dégradation écologique et des crises économiques, ils préfèrent alors plonger dans l'obscurantisme. Ce régime de Gilead ressemble étrangement à un régime nazi très moyenâgeux. Alors que le régime nazi tendait vers une seule prérogative : l'omniprésence de la "race pure", celui de Gilead tend uniquement vers la procréation d'enfants. Inutile de vous préciser que toute "dérivation" ou "dégénérescence" y est interdite, et de grandes purges ont lieu pour éradiquer les homosexuels. Toute contraception est désormais interdite également.



   Gilead est indéniablement une république dictatoriale, ce qui est un oxymore évidemment. Une seule morale est acceptée : celle de la lecture littérale de la Bible, et est surtout imposée aux femmes. Cela crée un effet à la fois comique et terrifiant : certaines situations qui reprennent celles de la Bible sont ridicules, telle la scène de la Genèse, entre Rachel, Bilha et Jacob, reproduite chaque mois entre l'Epouse, la Servante et le dirigeant. Et dans le même temps, cette même scène est horrifiante, car c'est quand même une scène de viol, et elle est par conséquent dure à regarder. 



   Belle transition pour évoquer la misogynie omniprésente de cette société, que nous avions déjà effleuré auparavant. A travers l’œil ironique de June, nous assistons à toute l'horreur de la vie des femmes dans cette société : leur enfermement : les Servantes ne sortent que deux fois par jour, jamais seules, et portent toujours des ailes autour de leurs visage pour qu'on ne le voit pas, symbole de leur confinement ; la négation de leur identité : les Servantes perdent leur nom au profit de celui du dirigeant de la maison familiale ; ainsi, June perd son identité au profit de celui de Fred Waterford, elle devient Offred. D'une certaine manière, ce nom n'est sans doute pas choisi par hasard, il est symbolique et ironique, puisque June est "offerte" à cette famille, telle un objet. 



   La série démontre très bien les conséquences que peut avoir le fascisme sur les conditions de vie des femmes. Elle fait écho à de grandes dystopies comme 1984 de George Orwell. Le Big Brother est remplacé par les Yeux, cette caste qui surveille toute la société dans l'ombre, et s'infiltre partout. Viols et harcèlements sont élevés au rang de traditions, au nom du bien être de la société. Tout désir, toute initiative est sévèrement réprimée, et ce qu'on appelle le slut-shaming est banalisé. Cependant, la série n'expose pas que la misogynie naît dans cette situation : elle était déjà présente avant, puisque cette situation a été décidée par le gouvernement, mais se retrouve exacerbée dans une société où les femmes sont vulnérables et ne possèdent plus rien, tandis que les hommes ont tous les pouvoirs.

 

Casting et esthétisme impeccable


   Outre le sujet de la série, particulièrement intéressant et pertinent, sa qualité se retrouve dans les moindres détails, que ce soit au niveau du casting ou de l'esthétisme de la série. Ce qui m'a donné envie de regarder cette série au départ, c'est son casting. Elle compte un nombre incroyable d'acteurs et d'actrices que j'ai déjà vu dans d'autres shows télévisés de qualité, ce qui m'a encouragée à m'intéresser à The Handmaid's Tale : Elisabeth Moss, par exemple, que j'ai déjà vue dans Mad Men incarner Peggy Olson. Quand je l'ai vue dans le rôle principal pour cette série, cela m'a tout de suite interpellée. 
J'ai été enchantée de voir Alexis Bledel également, qui jouait Rory Gilmore dans la série de mon enfance Gilmore Girls ; Samira Wiley, qui jouait le génial personnage de Poussey dans Orange is the New Black, est également dans la série. Et enfin, une autre actrice que je connais bien mais que j'ai eu du mal à reconnaître car cela fait longtemps que je n'ai pas regardé la série : Yvonne Strahovski, qui jouait le rôle de Sarah dans Chuck. Chacune de ces actrice a un talent incroyable, et j'ai découvert deux acteurs tout aussi exceptionnels avec The Handmaid's Tale : Max Minghella, d'abord, que j'ai par la suite identifié comme Richie Castellano dans The Mindy Project quand quelqu'un sur Twitter me l'a fait remarquer, mais que je n'ai pas reconnu au départ. Et Joseph Fiennes, dont je connais le nom, mais que je n'ai jamais vu jouer, et il se trouve qu'il est excellent et glaçant dans le rôle du Commandant.  



   L'esthétisme de la série va de paire avec le jeu des acteurs. Les mouvements de caméra mettent particulièrement en valeur les actrices et leurs visages expressifs. Beaucoup de gros plans de leurs visages sont utilisés dans la série, contribuant à la sensation d'enfermement des femmes, et participant à montrer chaque détail de leur jeu très riche. Ces gros plans participent également à l'atmosphère angoissante de la série : le danger peut être partout, et ni les personnages, ni les spectateurs ne peuvent le voir. La photographie est incroyable également. Les couleurs sont plus froides quand il s'agit de flashback, comme pour montrer la nostalgie et la souffrance des personnages féminins face à leurs souvenirs de leur vie lorsqu'elles étaient encore libres. Les couleurs que portent les femmes sont symboliques je pense également : vert terne pour les Marthas et les Epouses, les moins touchées par la situation finalement (certaines même sont misogynes et s'accommodent de cette situation) ; en revanche, les Servantes portent le rouge, la couleur de la rébellion. Ce sont les Servantes qui portent l'espoir qu'un jour cela change, l'étincelle qui pourrait mettre le feu au poudres, et ce sont elles qui souhaitent que cela change.



   La souffrance et la violence est surtout psychologique, et les acteurs le rendent très bien. J'ai un coup de cœur surtout pour Max Minghella dans cette série, pour Elisabeth Moss et pour Alexis Bledel, ils sont ceux qui m'ont procuré le plus d'émotions par leur jeu d'acteur.

Relativiser ou rester sur ses gardes ?


   En discutant avec d'autres personnes qui ont regardé la première saison elles aussi, certaines personnes m'ont fait une remarque qui m'a fait tilter : ces personnes, qui sont surtout des femmes, disaient que, de regarder cette série, ça leur a fait relativiser sur les problèmes actuels qui concernent les femmes. Je ne suis pas d'accord. Premièrement, je trouve que c'est une déclaration très ethnocentrée. Certes, par rapport à ce qu'il se passe dans The Handmaid's Tale, les problèmes que rencontrent certaines femmes dans certaines parties du monde, dont la France, sont loin d'être aussi graves. Et encore, nous sommes tout de même victimes de viols, agressions sexuelles et harcèlement de rue. Mais admettons, nous avons quand même des droits, au moins en France parce que c'est ce que je connais le mieux.
   En revanche, il existe encore des pays où les femmes ne sont même pas des citoyennes à part entière. Des endroits dans le monde où les femmes sont lapidées, ou mutilées à l'acide, ou excisées, ou mariées de force, ou tuées pour avoir offensé des hommes, et où l'ont ne parle pas de "meurtres" mais de "crimes d'honneur". 



   Enfin, nous ne devrions jamais oublier cette phrase de Simone de Beauvoir : "Il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en questions. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.". Elle avait raison, et il existe de multiples exemples qui étayent cette citation. Alors que Michelle Obama, ex première dame des Etats-Unis, avait créé un programme mondial d'éducation des jeunes filles, Donald Trump, le nouveau président des Etats-Unis, vient d'y mettre un terme, remettant en question le droit à l'éducation des jeunes filles dans le monde (lien d'article ici) ; les Polonaises ont dû se battre pour leur droit à l'avortement en Pologne l'an dernier, qu'elles avaient acquis (lien d'article ici). D'ailleurs, le droit à l'avortement n'est pas acquis dans le monde entier, et ne serait-ce qu'en France, les femmes ont failli perdre leur droit à la pilule du lendemain à cause de certains pharmaciens qui voulaient inclure une clause de conscience qui pourraient leur permettre de ne pas la délivrer, ce qui a été refusé (lien d'article ici) et le FN, actuel deuxième parti de France d'après les dernières élections présidentielles, refusait de continuer à financer les plannings familiaux si il était élu. D'une manière générale, il n'existe aucune loi sociale des droits des femmes qui n'ait été signée et promulguée sans une lutte pour l'acquérir. C'est pourquoi il faut continuer à se battre, ne jamais baisser sa garde. On peut se réjouir des droits déjà acquis, mais ne jamais oublier qu'on peut nous les reprendre si on n'y prend pas garde, et c'est pourquoi des collectifs féministes comme Osez le féminisme ! sont importants en France.



   Pour conclure, je dirais que The Handmaid's Tale est une excellente série dystopique, adaptée d'un excellent roman que je chroniquerai également bientôt. Elle montre, d'une manière exacerbée, que les droits des femmes ne sont et ne seront jamais acquis, ils peuvent nous être repris, c'est déjà le cas dans notre propre société ; mais aussi d'une manière glaçante que, les violences faites aux femmes que nous dénonçons aujourd'hui, sont banalisées dans cette dystopie. C'est d'autant plus incroyable que cette série soit aussi bonne alors que c'est un homme, Bruce Miller, qui l'a créée. D'après l’œuvre d'une femme, certes, mais la réalisation de la série possède la patte d'un homme, et elle est impeccable. C'est parfois difficile à regarder, mais c'est une série intelligente, bien filmée, avec un casting excellent et une photographie superbe. Encore une fois, il s'agit d'une de ces séries si intelligentes et importantes, mais malheureusement si peu médiatisées. Heureusement, The Handmaid's Tale a droit à une deuxième saison, et c'est tant mieux, parce que la série ne pouvait pas se finir sur l'épisode 01x10. Je suis très heureuse de vous avoir parlé de The Handmaid's Tale, et j'espère vous avoir donné envie de la regarder à votre tour.

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