dimanche 21 mai 2017

Sweet/Vicious : de l'art de se dresser contre la culture du viol | Chronique Série

Titre original : Sweet/Vicious
Créée par : Jennifer Kaytin Robinson
Origine : Etats-Unis
Genre : Action, Comédie, Drame
Première diffusion : 15 novembre 2016
Sur : MTV
Vue en : VOSTFR
S'étend sur : 1 saison, 10 épisodes
Statut : Annulée, terminée depuis le 24 janvier 2017
Avec : Eliza Bennett, Taylot Dearden, Brandon Michal Smith, Nick Fink, Dylan Mc Tee, Aisha Dee.
   Pitch : Après avoir été agressée sexuellement sur le campus de son université, Jules Thomas prend conscience que les filles ne sont pas en sécurité sur le campus et décide de prendre la défense des victimes d'agression. Ophelia Mayer, une hackeuse et dealeuse de marijuana, le découvre et décide d'aider Jules dans sa mission. 
   Je vous le dis tout de suite, j'ai peur d'écrire cet article. Sweet/Vicious est une série qui aborde des sujets bien trop importants pour en parler à la légère, et donc je vais devoir peser chacun des mots que je tape afin de ne pas faire de maladresses et d'être la plus précise et claire possible dans ce que je dis. J'ai conscience que je n'écris pas que pour des personnes déconstruites sur le sujet de la culture du viol (= ensemble de comportements d'une population qui tend à favoriser une culpabilisation des victimes d'agressions sexuelles et viol), et je suis moi-même encore en pleine déconstruction. Je vous invite également à taper "culture du viol" sur un moteur de recherche, afin de découvrir d'autres articles que le mien sur le sujet, qui seront sans doute plus poussés et plus spécialisés que le mien. Ce que je vais faire aujourd'hui, c'est de la vulgarisation sur le sujet à travers une série qui l'aborde d'une manière à mon avis parfaite.
   Voici le contexte : l'intrigue suit Jules Thomas, une jeune fille qui incarne la perfection de l'american girl : elle est blonde, jolie, fragile en apparence et est la parfaite sœur aînée dans sa sororité Zeta à l'université. La nuit, elle enfile sa tenue de justicière pour aller botter les fesses des garçons qui agressent sexuellement les filles sur le campus. Ophelia le découvre, et décide d'aider Jules à rétablir la justice sur le campus de leur université.



   Les concepts de culture du viol, de consentement, d'accompagnement de la victime sont les sujets principaux de la série, et sont traités, objectivement, d'une excellente façon.

Qu'est-ce qu'un viol ?


   Le viol est défini par le Code Pénal en France, dans l'article 222-23, comme tel : un "acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise.". C'est un crime passible de la cour d'assises. Aux Etats-Unis, la définition est un peu plus subtile : elle qualifie uniquement les rapports vaginaux forcés comme un viol, et les autres actes de pénétration forcés comme de "simples" agressions sexuelles. Selon la définition telle qu'on la trouve dans le code pénal américain, il s'agit bien de viol dont il est question dans la série Sweet/Vicious.



   La série aborde le sujet en faisant de son héroïne une victime de viol. Et elle casse très bien l'image d'un viol qu'ont la plupart des gens quand le sujet est abordé : celle où la fille est seule, dans une rue sombre, et où un parfait inconnu, souvent racisé, l'attrape et lui arrache ses vêtements dans un coin. Quand ça arrive à Jules, elle ne se trouve pas dans un contexte de peur ou d'angoisse à l'origine. Elle est à une soirée où elle s'amuse bien, avec des personnes qu'elle apprécie, et elle se sent tellement en sécurité d'ailleurs, qu'il est tout naturel pour elle, alors qu'elle se sent somnolente, de demander si elle peut s'allonger dans le lit du copain de sa meilleure amie.
   Et pourquoi ne se sentirait-elle pas en sécurité ? C'est le petit ami de son amie, il est bien sous tous rapports, il a de bonnes notes, est quaterback dans l'équipe de son université, c'est un gentil garçon en qui elle a confiance. En plus, vu comment elle le lui demande, ce n'est pas la première fois qu'elle fait ça, et il ne s'est jamais rien passé de répréhensible. Sauf que là, c'est l'horreur qui arrive.



   Vous me direz que c'est une œuvre de fiction, on peut faire dire ce qu'on veut à une œuvre de fiction. Mais si on cherche les statistiques des dépôts de plaintes pour viol ne serait-ce qu'en France, sur le site HCE République Française, on se rend compte, entre 2010 et 2012, que sur 83 000 femmes victimes de viols ou de tentatives de viols/an, 83% d'entre elles connaissaient leur agresseur. Et cela, sans compter les femmes qui se font violer et qui ne portent pas plainte. Il s'agit de plus des 3/4 des victimes de viols ou tentatives, qui ont porté plainte, qui ont été touchées dans leur intimité là où elles se sentaient en sécurité. Et ce n'est pas normal que des personnes ne puissent pas se trouver et/ou se sentir en sécurité. Que la série aborde le viol sans en faire un cliché et qu'en plus elle en fasse le sujet principal, c'est une petite révolution à la télévision.

De l'importance du consentement 


   La série traite aussi d'un sujet intimement lié à celui du viol, et qui est le consentement. D'après la définition que donne le dictionnaire Larousse, le consentement est "l'action de donner son accord à une action, un projet". Dans les grandes lignes, s'il y a consentement, il n'y a pas viol. Seulement ce n'est pas aussi simple que cela : le consentement doit durer pendant toute l'action, en l'occurrence, l'acte sexuel. A tout moment, si une personne dit non, et que l'autre continue, il y a viol. Et bien entendu, pas besoin de vous faire un schéma, si la personne est inconsciente pendant l'acte, l'autre effectue un viol sur elle. "Non", ça veut dire "non", pas "oui", pas "peut-être". Dans aucune langue au monde, la traduction de "non" est autre que "non". Cela semble simple, je donne peut-être l'impression de vous prendre pour des idiots, mais c'est un concept qui ne semble pas clair pour tout le monde.


   J'ai beaucoup aimé le traitement du consentement dans la série : je crois qu'il n'y a pas un seul épisode dans lequel le mot n'est pas prononcé. La série en joue de manière sérieuse et comique : dans le premier épisode par exemple, quand Jules botte les fesses du premier agresseur, elle lui tord le bras, le garçon s'écrie "Non !" et Jules lui casse le bras, en le terminant d'un "oups, je croyais que ton "non" voulait dire "oui" ". Cela permet de mettre en relief à quel point le discours de l'agresseur pour se défendre, le fameux "des fois elles disent non mais elles le veulent quand même", est ridicule. En effet, si quand on dit "non" on espère que la personne arrête de nous tordre le bras, on aimerait aussi que, quand on dit ce même "non", la personne arrête de nous forcer dans un acte sexuel. On retrouve la notion de consentement dans le couple que forment Tyler et Jules également. Je vous assure, demander à l'autre "est-ce que je peux t'embrasser ?", au moins la première fois, c'est ultra sexy. Mais également, laisser du temps à l'autre, la/le laisser venir à vous à son rythme, lui demander si elle/il est d'accord, c'est une forme de respect.



   Le consentement est un respect mutuel des accords sur lesquels est fondée une relation entre deux individus. Cela est valable pour tous types de relations, dont d'ailleurs aucune n'est critiquée ou rabaissée dans la série. Ophelia est une fille qui se laisse porter, ne veut pas d'attaches, et c'est ok pour tout le monde. Jules préfère les relations sérieuses, et c'est ok aussi. L'important, ce n'est pas comment on gère sa propre sexualité, mais le respect de celle-ci par l'autre.

Et l'accompagnement des victimes, dans tout ça ?

 

   Si je tiens à vous en parler, c'est que vous doutez bien que ce n'est pas un sujet bien glorieux. Au moment où l'intrigue de la série prend place, on se situe pendant cette période de la "gestion" d'un viol, pour une victime, pour son entourage, pour son agresseur, la série prend le sujet à bras le corps et le décline dans toute sa réalité.
   Quand on fait face à une telle expérience traumatique, on peut avoir tendance à le garder pour soi. Par honte, par peur, par déni, peut-être. C'est ce que choisit de faire Jules au début : elle garde son secret pour elle, secret qu'elle partage avec son agresseur qu'elle est obligée de voir tous les jours. C'est très difficile de l'admettre, mais le mieux, c'est d'en parler à quelqu'un. Les choses commencent à aller mieux pour Jules dès le moment où elle assume à voix haute son viol. Il y a notamment des associations qui aident les victimes, par exemple le Collectif Féministe contre le viol, dont vous pouvez retrouver les actions et toutes les informations en cliquant ici ; de même, vous pouvez vous adresser aux plannings familiaux ou aux hôpitaux, si vous ne pouvez ou ne voulez pas en parler à vos proches. En France, vous pouvez vous renseigner sur qui contacter en cas de violences sexuelles sur le site http://www.stop-violences-femmes.gouv.fr/Le-viol-l-agression-sexuelle.html, il y aura toujours quelqu'un pour vous aider et vous écouter si vous les appelez. Ne restez pas seul(e). C'est le message que veut véhiculer la série : vous ne serez jamais seul(e) dans votre cas, et c'est ok pour vous d'en parler.



   Tout le principe de la série repose sur ce concept : les victimes de viol ne sont pas aidées par la justice, et les coupables jamais punis. Comme le dit Nate, c'est sa parole contre celle de Jules, et plus une victime attend pour porter plainte, moins il y a de preuves sur lesquelles s'appuyer. De plus, le fait est que nous vivons dans une société patriarcale, dans laquelle la voix d'un homme a plus de poids que celle d'une femme. C'est pour cela que Jules et Ophelia prennent les armes pour aller venger les jeunes filles qui se font agresser et ne se sentent plus en sécurité sur le campus universitaire. Quitte à ce que la justice ne puisse rien pour elles, les deux jeunes filles font la loi à leur manière. Cependant, la série ne fait pas l'apologie de la violence comme une solution, mais, par ce biais, elle met en lumière le désarroi des victimes et le manque de solutions qui existent pour elles.



   La série démontre le manque de prise en charge des victimes par des exemples frappants : au fur et à mesure que celle-ci avance, le cas de Jules est développé un peu plus en profondeur. On la voit aller à l'hôpital où le personnel l'examine et l'écoute, lui dit qu'elle est vraiment courageuse. Le courage de Jules est d'ailleurs souvent évoqué dans la série : le courage de se battre, le courage de parler de son viol à voix haute, le courage de porter plainte. Dans la lignée de la dénonciation de la culture du viol, on retrouve le classique interrogatoire par la psychologue de l'université, à base de questions accusatrices "Aviez-vous bu ?" "Que portiez-vous ?" "Avez-vous dit non ?" (Sachant que "non" peut être dit de différentes manières physiques, pas seulement par le langage : en se débattant, en pleurant, en restant immobile) ce qui minimise le traumatisme de la victime et la culpabilité du violeur. Poser ces questions, c'est insinuer que la victime est aussi coupable que le violeur, or, le seul responsable d'un viol, c'est le violeur. Qu'importe les vêtements qu'elle portait, qu'importe son état d'ébriété, les seules questions légitimes devraient être "Le vouliez-vous ?" et "Comment vous sentez-vous ?". La série met aussi en relief l'extrême difficulté de mettre en examen un agresseur qui vient de milieux sociaux plus aisés, des agresseurs qui ont moyen de faire pression sur la justice aussi.

Sujet grave sur toile de fond comique


   Une de mes plus grandes surprises, en ayant découvert la série, est que je ne m'attendais vraiment pas à découvrir un show télévisé traitant des violences sexuelles et être en même temps à ce point drôle : il n'y a pas un épisode où je n'ai pas explosé de rire. Réussir le pari de parler de culture du viol d'une manière intéressante et pas cent fois rabâchée, et d'en parler bien, n'est pas la seule qualité de la série. Cette série est drôle ! L'humour ne vole pas bien haut cependant, ce sont beaucoup de blagues scatologiques et de l'humour noir, et aussi souvent du comique de situation. Mais cela fait que le show se laisse regarder, et l'humour agit comme un grand verre d'eau que l'on boit pour mieux faire passer la pilule. Il agit de manière ludique : attirer le téléspectateur pour mieux lui apprendre des choses essentielles. 



   Il est terriblement dommage que la série n'ai pas trouvé son public. Elle a affiché quelques unes des pires audiences de la chaîne MTV, avec seulement 310 000 téléspectateurs réunis pour le season finale. Piètre performance pour une série de qualité, qui n'a à mon avis pas assez été médiatisée. Si je n'étais pas active aussi souvent sur Twitter d'ailleurs, je n'aurais jamais découvert la série, et je n'aurait jamais pu apprécier cette pépite que j'ai dévoré. C'est dommage parce que la saison 1 se termine sur l'intrigue qui est relancée pour une potentielle saison 2, qui ne viendra pas, laissant la série inachevée. 

   Pour conclure, je dirais que Sweet/Vicious accomplit un sans faute dans tous les domaines : que ce soit l'intrigue, le message diffusé, les personnages, tout est parfait, et à part un ou deux détails absolument sans importance, il s'agit d'un véritable coup de cœur pour moi.

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